Soit \( X\) une v.a. et \( h\) une fonction telle que \( h(X) \) soit aussi une v.a. ; par exemple \(h\) est continue. Sauf mention contraire, nous supposerons que toutes les espérances mentionnées ici existent.
Définition 1. Nous appelons \(h\)-moment théorique de \(X\) le nombre :
Interprétation. Pour tous les échantillons \(x_{\bullet}=(x_1, x_2, \cdots)\) de \(X\) que nous pouvons observer, la loi Forte des Grands Nombres nous donne :
c’est-à-dire, pour tout échantillon observable, la moyenne arithmétique des \(h(x_j)\) converge vers le \(h\)-moment de \(X\).
Exemple 1. Soit \({\cal L}(X)={\cal U}(N)\), loi Uniforme Discrète de paramètre \(N\), alors un calcul simple nous donne :
Exemple 2. Soit \({\cal L}(X)={\cal U}(\rbrack 0\ ;\ 0,5\lbrack)\), loi Uniforme Continue, alors nous avons :
Le \(h\)-moment d’une v.a. admet des noms différents selon la fonction \(h\) utilisée.
Définition 2. Lorsque \(h(x)=x\), nous appelons espérance mathématique, ou encore moyenne théorique le nombre :
Si \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack= 0\), alors \(X\) est dite centrée.
Propriété 1. Pour tous nombres \(a,\ b\in {\mathbb R}\) nous avons \({\mathbb E}\lbrack aX+b\rbrack=a{\mathbb E}\lbrack X\rbrack+b\).
Exemple 3. Soit \({\cal L}(X)={\cal B}(1\ ;\ p)\), loi de Bernoulli de paramètre \(p\). Il est facile de constater que par définition \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack= 0\times P(X=0)+1\times P(X=1)=p. \quad \square\)
Exemple 4. Soit \({\cal L}(X)={\cal CA}(x_0\ ;\ \alpha)\), loi de Cauchy de paramètres \(\alpha\) et \(x_0 \). Alors \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack\) s’écrit comme une intégrale qui diverge ; c’est-à-dire que la moyenne théorique de \(X\) n’existe pas. \(\quad \square\)
Exemple 5. Soit \({\cal L}(X)={\cal PA}(\alpha\ ;\ x_0)\), loi de Pareto de paramètres \(\alpha,\ x_0 \in{\mathbb R}_+^{\star}\). Alors :
Cette intégrale diverge lorsque \(\alpha\leq 1\), ainsi dans ce cas la moyenne théorique n’existe pas. Si \(1 < \alpha\), elle converge et \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack=\displaystyle \frac{\alpha x_0}{\alpha-1}\). \(\quad \square\)
Définition 3. Soit \(k\in{\mathbb N}\), nous appelons moment théorique d’ordre \(k\) le nombre :
Nous appelons moment centré d’ordre \(k\) le nombre :
En particulier, le moment centré d’ordre \(2\) est la variance théorique \({\mathbb V}ar\lbrack X\rbrack=\sigma^2\lbrack X\lbrack\) et sa racine carrée \(\sigma\lbrack X\rbrack\) l’écart type théorique de \(X\).
Lorsque cela a un sens, nous pouvons considérer des moments d’ordre \(k\in {\mathbb R}\).
Propriété 2. Pour tous nombres \(a,\ b\in {\mathbb R}\) nous avons \({\mathbb V}ar\lbrack aX+b\rbrack=a^2{\mathbb V}ar\lbrack X\rbrack\) et \(\sigma\lbrack aX+b\rbrack=\lvert a \rvert\sigma\lbrack X\rbrack\).
Propriété 3. Si \( k\leq k^{\prime}\), alors \(\displaystyle \Big({\mathbb E}\lbrack\lvert X\rvert^k\rbrack\Big)^{\tfrac{1}{k}}\leq \Big({\mathbb E}\lbrack\lvert X\rvert^{k^{\prime}}\rbrack\Big)^{\tfrac{1}{k^{\prime}}}.\) De plus \({\mathbb E}\lbrack X^k\rbrack\) et \({\mathbb E}\lbrack( X - {\mathbb E}\lbrack X\rbrack) ^k\rbrack\) existent si et seulement si \({\mathbb E}\lbrack\lvert X\rvert^k\rbrack\) existe. En particulier, si la variance existe, il en est de même pour la moyenne théorique.
Pour le voir il suffit d’utiliser la concavité de la fonction \(g(t)=t^{\tfrac{k}{k^{\prime}}}\) et l’inégalité de Jensen.
Exemple 6. Nous reprenons l’Exemple 1, soit \({\cal L}(X)={\cal U}(N)\), loi Uniforme Discrète de paramètre \(N\), nous avons alors :
Les formules bien connues pour \(1\leq k\leq 3\) impliquent :
En général, nous utilisons le fait que la somme \(1+2^k+3^k+\cdots +N^k\) est un polynĂ´me de degré \(k+1\) en \(N\), sans terme constant. Les coefficients de celui-ci sont les solutions d’un système de \(k\) équations linéaires obtenues en posant successivement \(N= 1,\cdots,k. \quad \square\)
Exemple 7. Soit \({\cal L}(X)={\cal N}(\mu\ ;\ \sigma^2)\), loi Normale de paramètres \(\mu\) et \(\sigma\), nous avons :
Un changement de variable nous donne
Pour \(k=2m+1\), la fonction à intégrer étant impaire, nous avons le premier résultat. Pour \(k=2m\), il suffit de se ramener à une intégrale de type Gamma. \(\quad \square\)
Exemple 8. Soit \({\cal L}(X)={\cal PA}(\alpha\ ;\ x_0)\), loi Pareto de paramètres \(\alpha\) et \(x_0 \). Nous avons vu (Exemple 5) que si \(\alpha\leq 1\), la loi de Pareto n’admet ni moyenne théorique ni moments d’ordre supérieur à \(1\). Si \(1 < \alpha\), pour tout nombre réel \(k < \alpha\), nous avons :
Nous en déduisons que la loi de Pareto n’admet que les moments d’ordre \(k\) pour \(1< k < Ent(\alpha)\) (partie entière de \(\alpha\)). \(\quad \square\)
Propriété 4. Si \(X\) est positive alors :
Il suffit d’écrire, par exemple pour le cas continu :
nous avons appliqué le théorème de Fubini. \(\quad \square\)
Exemple 9. Soit \({\cal L}(X)={\cal E}(\beta)\), loi Exponentielle de paramètre \(\beta\) ; pour tout \( k\in{\mathbb R}^{\star}\) nous avons :
Comme ici \(P(X \geq t)=\exp(-\beta t)\), la Propriété 4 nous donne directement le résultat. \(\quad \square\)
Définition 4. Nous appelons fonction génératrice des moments de la v.a. \(X\) la fonction définie, pour tout \(t\) dans un intervalle ouvert contenant \(0\) dans \({\mathbb R}\), lorsque ce moment existe, par :
Remarque 1. Lorsqu’elle existe, la fonction génératrice des moments détermine entièrement la loi de \(X\). Pour \(t=0\) le moment précédent existe toujours. Mais dans la définition nous exigeons l’existence dans un voisinage de \(t=0\). Ceci n’est pas toujours le cas, comme par exemple les lois de Pareto. Nous vérifions que ces dernières n’admettent pas de fonction génératrice des moments.
Exemple 10. Nous considérons l’Exemple 6 : soit \({\cal L}(X)={\cal N}(\mu\ ;\ \sigma^2)\), loi Normale de paramètres \(\mu\) et \(\sigma\), nous avons :
En effet l’égalité :
nous permet de faire apparaître dans l’intégrale la densité de la loi \({\cal L}(X)={\cal N}(\mu+t\sigma^2\ ;\ \sigma^2)\) et d’en déduire le résultat. \(\square\)
Propriété 4. Soit une v.a. \(X\) admettant une fonction génératrice des moments \(g_X(t)\) et \(c_X(t)\) sa fonction caractéristique. Alors le moment d’ordre \(k\) existe et \(M_k\lbrack X^k\rbrack=g^{(k)}_X(0)=i^{-k}c^{(k)}_X(0)\), où \(i^2=-1\).
Ce résultat s’obtient par dérivations sous la somme ou sous l’intégrale. \(\quad \square\)
Remarque 2. Une v.a. peut admettre des moments de tous ordres sans admettre de fonction génératrice des moments. La suite des moments d’une v.a. ne détermine pas sa loi.
Exemple 11. Pour la loi Normale de paramètres \(\mu\) et \(\sigma\) de l’exemple précédent nous déduisons que , pour tout \(t\in{\mathbb R}\) :
Ce qui nous donne \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack=\mu,\ {\mathbb E}\lbrack X^2\rbrack=\sigma^2+\mu^2,\ {\mathbb E}\lbrack X^3\rbrack=3\sigma^2\mu+\mu^3\) ; d’où finalement \({\mathbb V}ar\lbrack X\rbrack=\sigma^2\) et \({\mathbb E}\lbrack (X-\mu)^3\rbrack=0.\quad \square\)
Exemple 12. Soit \({\cal L}(X)={\cal B}(n\ ;\ p)\), loi Binomiale de paramètres \(n\) et \(p\) ; nous avons, pour tout \(t\in{\mathbb R}\) :
Les dérivées première et seconde sont les suivantes :
Ces expressions impliquent \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack=np,\ {\mathbb E}\lbrack X^2\rbrack=(np)^2+np-np^2\) et \({\mathbb V}ar\lbrack X\rbrack=np(1-p).\quad \square\)
Exemple 13. Soit \({\cal L}(X)={\cal P}(\lambda)\), loi de Poisson de paramètre \(\lambda\) ; nous avons, pour tout \(t\in{\mathbb R}\) :
Les dérivées première et seconde sont les suivantes :
Ces expressions nous permettent d’aboutir à \({\mathbb E}\lbrack X\rbrack=\lambda,\ {\mathbb E}\lbrack X^2\rbrack=\lambda^2+\lambda\) et \({\mathbb V}ar\lbrack X\rbrack=\lambda.\quad \square\)
Définition 5. Pour tout \(k\in {\mathbb N}^{\star}\), nous appelons moment factoriel d’ordre \(k\) de la v.a. \(X\) le nombre :
Exemple 14. Soit \({\cal L}(X)={\cal HY}(N_1\ ;\ N-N_1\ ;\ n)\), loi Hypergéométrique de paramètres \(N,\ N_1,\ n\) ; nous avons, pour tout \(k=1,\ \cdots,\ n\) :
Pour le voir, nous appliquons l’identité de Vandermonde et la relation \(mC_l^m=lC_{l-1}^{m-1}\). Nous en déduisons :
Nous retrouvons alors le résultat :